Quel avenir pour RTE ? Orientations Stratégiques 2024-2026

QUEL AVENIR POUR RTE ?

ORIENTATIONS STRATÉGIQUES 2024-2026

RTE est un service public, pas une agence gouvernementale !

Le directoire inscrit les orientations stratégiques de l’entreprise dans le cadre de la SNBC (stratégie nationale bas carbone) et son président fait la tournée des plateaux télé pour en faire la promotion.

Pour mémoire, l’objectif global de la SNBC est de réduire de 55 % les émissions de Gaz à Effet à Serre d’ici 2030 (par rapport à 1990) et d’atteindre la « neutralité » carbone en 2050. Bien, mais jusqu’à présent aucun objectif ciblé n’a été atteint (transport, agriculture, bâtiment…). Fin 2021, la justice a condamné l’Etat pour avoir dépassé le plafond prévu d’émissions entre 2015 et 2018 de 62 Millions de tonnes éqCO2.

Comment réduire l’empreinte carbone du transport sans développer des transports collectifs pratiques et gratuits ? La voiture électrique ne suffira pas : mettre 2 tonnes de métal en mouvement pour déplacer 1 personne reste une aberration écologique. Comment baisser la consommation de chauffage sans investissements publics massifs dans l’isolation et la rénovation ? Les pompes à chaleur sont moins efficaces dans des passoires thermiques et leur prix hors de portée des classes populaires. Comment sortir des énergies fossiles dans l’agro-alimentaire et l’industrie sans contraindre les industriels qui ne voient que leur intérêt financier ? Etc.

Pire, les objectifs de la SNBC ne portent que sur les émissions de GES sur le territoire national et pas celles liées aux produits importés. Or, si les émissions intérieures diminuent (pas assez), l’empreinte carbone globale du pays stagne. Cela s’explique notamment par la désindustrialisation de la France qui a exporté ses émissions qui nous reviennent sous la forme de produits manufacturés. Quelle hypocrisie : le CO2, lui, ne connaît pas les frontières !

Il est normal que RTE en tant que service public mette son expertise à disposition des pouvoirs publics. En revanche, il devient problématique que RTE soit utilisé comme la caution scientifique de trajectoires climatiques illusoires.

Nous sommes un service public, pas une agence gouvernementale ! L’entreprise ne saurait être mise au service des ambitions personnelles de dirigeants proches du pouvoir politique.

En fait, la SNBC prévoit une baisse de 40% de la consommation globale d’énergie d’ici 2050 (soit le niveau de consommation des années 60). C’est en réalité là que réside l’essentiel de la disparation des énergies fossiles et pas dans l’électrification de certains usages. Or, le chemin vers cette sobriété salutaire reste mystérieux, pour ne pas dire utopique sans remettre en cause l’économie de marché et le modèle économique productiviste.

Le risque majeur de la transition énergétique est que les EnR viennent se rajouter aux énergies fossiles sans s’y substituer.

Plus de réseau : oui, mais comment ?

Raccordement des EnR, rénovation et renforcement du réseau, développement des interconnexions : le programme des investissements bondit de 1,9 Md€ en 2023 à 2,6 Md€ en 2026 et 3 Md€ en 2028 !

Or, après un pic d’embauches en 2023, la direction prévoit de ralentir l’augmentation des effectifs en 2024 et 2025. Ensuite, la trajectoire dépend du TURPE 7 (2025-2029) qui n’est pas encore négocié. Cependant, le rapport d’expertise nous alerte sur des effectifs quasi-constants sur TURPE 7 au regard des hypothèses du Plan à Moyen Terme 2024-2028 à destination des actionnaires.

C’est très inquiétant mais pas vraiment une surprise. En effet, le directoire fait le choix d’une sous-traitance massive pour assurer la transition énergétique. D’ores et déjà, la croissance du nombre de salariés opérant dans la sous-traitance est plus rapide que celle de l’effectif RTE !

Nous sommes à un tournant pour l’entreprise, comparable à celui pris par EDF dans les années 90 dont on mesure aujourd’hui les dégâts sur l’outil industriel.

La direction dit assumer cet « axe stratégique majeur ». Il faudrait, selon elle, se recentrer sur les activités de MOA (maîtrise d’ouvrage) pour en fait externaliser beaucoup plus la MOE (maîtrise d’œuvre) et les études. Ce déséquilibre entre faire et faire faire va saper notre capacité à assurer la maîtrise industrielle des projets.

De plus, si à l’évidence les effectifs à D&I augmentent de façon très insuffisante, la direction n’a pas l’air de se rendre compte de la charge de travail induite par les investissements à la Maintenance, aux Fonctions Centrales et à l’Exploitation, où les effectifs stagnent ou régressent.

Cerise sur le gâteau, les GIE (entreprises prestataires) ne sont pas au niveau attendu en termes de dimensionnement et de disponibilité. RTE n’a pas su anticiper leur croissance en garantissant des contrats sur le réseau électrique français, en sachant que d’autres GRT sont en demande.

Ces choix compromettent la capacité de RTE à réaliser les travaux attendus dans les délais impartis.

Plus de réseau = plus de réorganisations ?

L’entreprise doit s’adapter à ses nouvelles missions (réseau en mer par ex.) et s’emparer des nouvelles technologies, numériques notamment.

Cependant, ne nous y trompons pas : le Projet d’Entreprise « RTE 2025 » démarré en 2018 a comme vocation 1ère de faire des gains de productivité sur le dos du personnel.

Car en plus du recours à la sous-traitance, le directoire entend faire travailler plus les agents pour absorber ce mur d’investissements et ses retombées dans tous les métiers.

La logique de centralisation/mutualisation d’activités réalisées auparavant dans les 7 régions se poursuit, entraînant bien souvent une intensification du travail, une perte de proximité et de sens.

Ainsi, à l’Exploitation, la direction profite du nouvel outil de conduite STANWAY pour centraliser le pilotage du réseau et supprimer des dispatchings. Fragiliser la conduite alors même que le système électrique se complexifie est une aberration. D’autant plus que la transformation se fait à marche forcée, sans écouter les dispatcheurs qui demandent à rester sur l’outil SRC le temps de fiabiliser STANWAY.

Dernier dysfonctionnement d’une longue série : la coupure de 260.000 abonnés le 11 octobre dans le Var suite à de fausses informations remontées par STANWAY aux dispatcheurs. Mais tout va bien, on ne change rien… Que faut-il pour ramener la direction à la raison ?

Les réformes imposées dans haut, sans écouter le personnel, ne fonctionnent pas !

Les salarié.es dans tout ça ? Une variable d’ajustement ?

Dans les orientations stratégiques de RTE, il n’y a pas un mot sur la santé des agents, leur intégrité physique ou psychologique. C’est révélateur du peu d’intérêt de la direction pour les gens.

Pourtant, le nombre des accidents est au plus haut niveau dans l’histoire de RTE : 357 accidents en 2022, après 375 en 2021.

Pourtant, les données de santé recueillies par la médecine du travail sont préoccupantes. L’intensité ressentie du travail est la plus forte à D&I et aux Fonctions Centrales (entre 35 et 60% des agents ont des difficultés liées à la pression temporelle, des interruptions des tâches perturbantes, un traitement trop rapide des opérations, des horaires anormaux). Les manifestations pathologiques sont en nette augmentation aux FC (la lassitude et/ou fatigue est passée de 12,8% en 2018 à 22,2% en 2022). La Maintenance et l’Exploitation affichent des scores dégradés sur la pression psychologique subie, l’absence de reconnaissance et de perspectives.

Pourtant, les salariés sont confrontés à :

  • une charge de travail qui augmente,
  • des réorganisations mal vécues dans le cadre du Projet d’Entreprise,
  • une direction de plus en plus autoritaire.

En fait, les agents sont utilisés comme la variable d’ajustement de l’équation financière entre le directoire, la CRE et les actionnaires.

Dans ses conclusions, le rapport d’expertise alerte sur le fait que la direction entend « demander au personnel de RTE de financer par sa productivité une partie de l’investissement nécessaire au réseau ».

Il va falloir défendre collectivement nos conditions de travail et de rémunération pour ne pas subir.

Des orientations à revoir

Pour toutes ces raisons, le CSE Central a rendu un avis négatif sur les Orientations Stratégiques 2024-2026. L’avis détaillé du CSEC est remonté au Conseil de Surveillance qui devra y répondre.

Pour arriver à décarboner l’économie, il faut sortir de la logique de marché dans l’énergie et dans les principaux secteurs qui émettent des GES.

RTE, censé être une entreprise de service public, nage dans la financiarisation. Quand l’entreprise emprunte 100€ pour financer les investissements, en réalité 65€ vont à la rémunération du capital (intérêts et dividendes aux actionnaires) et seulement 35€ au financement !

Sur 2025-2028, l’endettement va augmenter de 969 Millions par an en moyenne dont 412 M€ pour payer le coût de l’emprunt et 215 M€ pour rémunérer les actionnaires. Autant d’argent perdu pour embaucher du personnel.

Pour absorber le mur d’investissements à venir, le directoire mise sur 2 leviers : sous-traiter massivement le développement du réseau et augmenter fortement la productivité en interne. Ce qui dégradera à la fois la qualité du service public et nos conditions de travail.

C’une hérésie à combattre. Pour cela, nous devons avant tout compter sur nous-mêmes, sur notre capacité à être solidaires les uns avec les autres. Au quotidien dans les équipes, comme dans les mouvements sociaux, l’union fait la force.

Rejoignez la CGT !

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